Extrait n°2
Je fis un tour, puis un deuxième avant de me résigner à interroger quelqu’un qui reprenait son souffle. Celui-ci me jaugea du regard, cracha par terre et s’éloigna de moi. Le même type de réaction me fut réservé par trois fois. La troisième personne hésita même à se servir de son épée et je m’en fus rapidement, avant de me prendre un coup. Je tournai autour des différents groupes, de plus en énervée par l’animosité que l’on me portait ici et par l’absence d’accueil de la Pointe qui savait pourtant que je venais. À cran, je m’arrêtai près du bâtiment en L et montai sur l’estrade en balayant le coin où je me trouvais. Cela faisait un bon moment que je tournai en rond et je serais repartie, si je n’avais pas repéré ce gamin, un peu plus loin en train de remplir sa gourde à un puits. Je sautai les marches et fonçai droit sur lui. Je repassai en boucle l’accueil auquel j’avais eu le droit la veille dans le réfectoire, ce qui finit de m’échauffer. Je bouillonnais littéralement, quand j’arrivai derrière lui, prête à exploser à la prochaine attaque.
— Salut, marmonnai-je en tentant de chasser le ressentiment qui m’envahissait. Je cherche Courval.
— C’est pour quoi ?
Il finissait de remplir sa gourde sans daigner se retourner.
— Rien qui te regarde, répliquai-je cinglante.
Ils étaient tous incapables de juste m’apporter une réponse ? Mon interlocuteur me fit soudainement face, un brin déconcerté par mon timbre, puis me reconnaissant, fronça les sourcils. Il me fixa longuement, sans rien dire, sa main enfonçant le bouchon de sa gourde pendant qu’il m’examinait. Juste à côté de lui, plantée dans le sol, il y avait une épée qui de toute évidence devait être la sienne. La lame était légèrement rosée, comme les cimeterres de Blanche.
— Tu peux me dire où il se trouve ? le pressai-je, autant mal à l’aise qu’agacée face à son examen.
Le gamin haussa les sourcils et se prépara à me répondre, mais il fut coupé par l’arrivée d’un combattant transpirant.
— Tiens, tu peux prendre ma place. J’ai besoin d’une pause. Elle me tue cette fille ! Oh, bonjour. T’es la nouvelle !
— Sagilys, l’ai-je repris en soufflant du nez.
— Enchanté de faire ta connaissance. Je suis Lovias. Qu’est-ce qui t’amène ici ? Tu as besoin de quelque chose ?
Je restai muette de stupeur, surprise par son amabilité. Je sentis une bouffée de gratitude monter en moi.
— Je cherche la Pointe.
— Et bien, tu l’as trouvée ! s’exclama-t-il en ouvrant les bras pour se désigner tandis que le gamin d’à côté croisait les siens.
Je l’ignorai pour me concentrer sur Lovias, bien plus sympathique.
— Ne me dis pas que tu viens tenter d’entrer au sein de la Pointe ? reprit Lovias.
— Si, c’est ça.
— Bon, on va voir ce que tu vaux, s’interposa le gamin en retirant d’un coup sec son épée du sol. (J’évitai de reculer devant la menace.)
— Tu fais aussi partie de la Pointe ? Toi ?
Mon interlocuteur leva les yeux au ciel, profondément exaspéré. Merde, entre lui et la fille de la veille, j’étais servie et j’espérais que le groupe était assez grand pour éviter de me les coltiner tous les jours.
— Bien sûr qu’il fait partie de la Pointe, se moqua Lovias.
— Va mettre des protections et trouve-toi un bâton, m’ordonna le gamin d’une voix claire et ferme tout en débouchant sa gourde pour avaler une grande rasade.
— Tu veux que je me battre ? Contre toi ?! lançai-je, insolente.
— Ça te dérange ? Tu veux quelqu’un d’autre ? me testa-t-il en vrillant son regard dans le mien.
Son air enfantin arborait une maturité nouvelle et je commençai à me demander s’il n’était pas un peu plus vieux qu’il ne le paraissait.